samedi 2 mai 2009
Nihil chapitre 1
"N'accepte aucune réalité comme absolue". Tel furent les derniers mots de mon père, avant qu'il ne se fasse exploser la cervelle dans la salle de bain. Les souvenirs de lui se mélangent dans ma tête, j'étais jeune à l'époque, mais je me souviens de son odeur de tabac bon marché, son teint cireux, ses longs cheveux bruns en bataille et ses yeux cernés en permanence.
Mon père était un anarchiste, un peu nihiliste sur les bords, complètement fou et, même si mon jeune age ne me permettait pas de comprendre entièrement ces notions, je me doutais bien que mon père n'était pas ce que l'on pouvait appeler " normal ".
Me voilà, 14 ans plus tard, l'anniversaire de sa mort. Je ne sais jamais comment me comporter. Tous les ans, je vais manger chez ma mère, pour "célébrer" la mort de celui qui a rendu nos vies un enfer. Je joue vaguement avec quelques morceaux de poisson qui restent sur mon assiette, essayant de tromper l'ennui qui me dévore, avec le silence total qui règne dans la salle à manger. Après une vingtaine de minutes, ma mère prend enfin la parole.
- Trish va bien ?
Encore une discussion bateau. Moi qui espérais un petit débat, mais soit. Trish est une amie d'enfance. Comme mon métier d'écrivain consiste à rester assis toute la journée devant ma machine à écrire à essayer de trouver l'inspiration, elle s'occupe d'aller faire mes courses, de faire le ménage dans mon capharnaüm, et en échange, elle a " l'honneur " de lire mes oeuvres avant tout le monde.
- Oui, elle a beaucoup de travail avec moi.
Ma mère rit. C'est un rire léger, un rire de maman. Il m'apaise.
- Comment avance ton livre ?
- C'est un peu la panne d'inspiration, le " syndrome de la page blanche ".
- Bah, tu t'en remettras, j'ai confiance en ton talent.
Je souris et jette un coup d'oeil sur le chevalet de ma mère. Sur celui-ci se trouve une toile, avec l'esquisse d'un portrait d'homme, seules les constructions sont visibles, je n'arrive pas à distinguer qui c'est. Ma mère est peintre, elle a un talent, mais ses toiles ne font pas l'unanimité. Avant, elle vendait plutôt bien ses oeuvres, mais depuis la mort de mon père, elle ne se vendent pas ou peu, comme si le destin s'acharnait sur ma pauvre mère.
- Tu as vendus des toiles dernièrement ?
- Oui, à ma dernière exposition, j'ai vendu 3 toiles à un charmant homme. Il m'a fait un bon prix. Tu as toujours celle que je t'ai donné ?
Quelle question. Bien sûr que je l'ai toujours. C'est une magnifique huile du paysage visible depuis notre maison de vacances, une vieille bicoque sur une falaise au pied de laquelle l'eau grisâtre frappe et refrappe incessement. C'est au beau milieu de la bretagne qu'est cette propriété, que mon père a hérité d'un lointain cousin. C'est dans cette maison que j'ai été conçu, une nuit d'octobre pluvieuse.
- Tu connais déjà la réponse à cette question. C'est ta plus belle oeuvre.
- Non mon fils, ma plus belle oeuvre, c'est toi.
Suite au prochain chapitre.
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