mardi 19 janvier 2010

Kalupto Chapitre 1




Elle écarta d'un revers de la main l'ignoble masse qui suintait, la tête sur son sein. Elle ne ressentait même plus de dégoût envers sa clientèle.
Le père d'Alison l'avait abandonnée dés son plus jeune âge, elle avait dû gagner sa vie comme elle pouvait. Avec sa peau blanche et laiteuse, ainsi que ses beaux cheveux roux, elle attirait beaucoup de clientèle. Une seule chose étrange brisait son charme indéniable, son oeil gauche était complètement blanc, sans iris ni pupille, ce qui lui donnait un air mystérieux. Elle le cachait généralement avec ses cheveux, bien que ses clients habituels, assoiffés de chair, étaient préoccupés par autre chose que son oeil.

Il faisait sombre dans sa chambre, à part les doux filets de la lumière qui filtraient à travers les volets. Il faisait chaud et humide, malgré le temps hivernal qui régnait à l'extérieur. Elle aimait l'hiver, tout était calme, le calme était son seul véritable ami. Il ne lui réclamait rien, et elle lui rendait la pareille, une des rares relations saine dont elle jouissait. Elle se tourna vers le petit homme chauve qui gisait sur le lit à côté d'elle. Elle le tapota du doigt et devant l'absence de réponse elle se leva, enfila ses sous-vêtements, sa robe noire. Elle prit ensuite congé du monsieur, non sans lui avoir fait les poches.

Une fois dehors, elle profita un instant de la bise fraiche qui lui caressait la joue. La rue était silencieuse, morte, un début de journée hivernale normale. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de contempler la ville comme si quelque chose allait se passer. Elle ne put réprimer un profond sentiment de regret. Alison ne connaissait pas sa provenance, et elle le chassa de son esprit pour enfin se mettre en marche. Au loin, un chien poussa un long hurlement...

*

Il avait voyagé à bord de ce camion pick-up depuis un moment, et il n'avait toujours rien dit au propriétaire du camion en question, un vieil homme à l'air sympatique, au cheveux grisonnants et aux petits yeux intelligents perdu au beau milieu des gravures des âges qui donnaient du caractère à son visage anguleux. Le vieillard était intrigué par ce jeune homme qu'il avait pris en stop. Celui-ci était entièrement habillé en cuir noir, avec comme couvre-chef un chapeau de cow-boy, noir lui aussi, d'où pendaient des longs cheveux noirs et fins qui serpentaient sur ses joues comme un filet d'eau sombre. Sa peau était d'une étrange pâleur, et ses lèvres roses à la limite du rouge luisaient, en contraste avec son visage blanc. A ses pieds se trouvait un étuis de guitare, noir lui aussi.

Le vieillard en déduisit qu'il devait faire partie d'un quelconque groupe de musique. Il voulait lui parler, mais quelque chose en lui l'en empêchait, quelque chose qui le rendait inaccessible. Il se contenta donc de conduire vers sa destination, sans dire un mot...

*
Alison traversa la rue déserte pour entrer dans l'épicerie où l'épicière, une vieille dame à l'allure sévère, l'accueillit avec un mince sourire.

- Bonjour Alison.
- Bonjour madame Goldberg.

La vieille épicière était une très belle femme qui s'était transformée à la mort de son mari, quelques années auparavant. Elle s'était renfermé sur elle-même et s'était changé en une vieille aigrie, associale et bougonne, que tout le monde prenait bien soin d'éviter soigneusement.

L'épicière appréciait la présence d'Alison. Malgré son métier, dont elle n'approuvait pas, elle aimait bien cette petite rousse, calme et respectueuse.
Elle voyait bien que la jeune fille avait vécu son lot d'évènements horribles, et elle respectait son courage. Depuis la mort de son mari, madame Goldberg ne s'était attachée à personne, s'éloignant petit à petit de ses proches, mais avec Alison, c'était différent. L'épicière voyait en elle la fille qu'elle n'avait jamais eu. Alison attrapa deux bières et un paquet de cigarettes et les déposa sur le comptoir. L'épicière la fixa dans les yeux.

- Tu sais que ces saloperies te tueront.
- La vie aussi madame Goldberg.

*
Le vieillard regarda le jeune homme aux longs cheveux noirs s'éloigner dans la direction de la petite ville devant laquelle il venait de le déposer.
Il était descendu sans dire un mot, après avoir pincé le devant de son chapeau en signe d'adieu. En le regardant partir, le vieillard eu un pincement au coeur, un sentiment de nostalgie qu'il ne s'expliquait pas. Il se gratta la tête et se remis au volant de sa voiture. Il toussota et reprit sa route.

*

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